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Mémoires concernant l'Histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre et de son ancien diocèse
de l'Abbé LEBEUF
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Geoffroy de CAMPELLEMAN
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(Lè évêque du 1er décembre 1051 au 15 septembre 1076) Placé sur le siège épiscopal, il tourna d'abord son attention sur l'église cathédrale ; et ayant remarqué qu'elle était dénuée de tout, il fit en sorte que son successeur ne la trouvât pas dans le même état. L'an 1075. Ce fut cette année-là qu'il arriva, à Auxerre, un incendie dans lequel la cathédrale fut enveloppée.Le pieux évêque ne perdit point courage en voyant ce malheur. Il fit faire si grande diligence pour le réparer, qu'en moins d'un an la nouvelle charpente fut montée et la couverture mise en sa perfection. Pour cet effet, on le vit veiller lui-même sur les ouvriers et leur donner ses domestiques pour les aider et avancer l'ouvrage. A l'égard du vitrage, il chargea cinq de ses officiers de ce soin, voulant que chacun d'eux fit une des cinq verrières du fond de l'église, et il pria son chapelain de se charger de la sixième et plus considérable, qui était celle de la chapelle de Saint- Alexandre. Ayant à coeur le bien et la décoration de son église, il destina quelques prébendes pour des ecclésiastiques qui sauraient des métiers : l'une, pour un habile orfèvre, l'autre, pour un savant peintre, la troisième, pour un vitrier adroit et intelligent ; et les chanoines lui en firent leurs remerciements (Les détails dans lesquels entre l'auteur de la vie de Geoffroy de Champ-Aleman sur les soins que donnait le prélat à la décoration de sa cathédrale et à sa restauration, le choix de clercs artistes qu'il dote de canonicats, tout cela indique d'une manière évidente que le clergé et les évêques eux-mêmes présidaient à la direction des travaux. Les arts tombés dans un anéantissement presque complet au Xè siècle, se relevèrent en France au XIè siècle sous l'influence de quelques prélats, en tête desquels Geoffroy de Champ-Aleman mérite d'être placé (Perriquet, éditeur, 1848)). |
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Robert de NEVERS, fils de Guillaume, comte de Nevers, et d'Hermengarde, comtesse de Tonnerre. |
(LIè évêque de septembre 1076 au 12 février 1084) A son entrée au trône épiscopal il donna un dorsal rouge (cela signifie des tapisseries qui se mettaient aux murs du choeur ou au dos des stalles). Il fit faire une tribune pour la lecture de l'Evangile, et il y employa la somme de quatre cents sols de ce temps-là. Il fit continuer le vitrage du choeur, dont on n'avait fait que le fond du vivant de son prédécesseur. Comme les cryptes bâties par Hugues de Chalon étaient obscures, il leur donna du jour par le moyen de deux ouvertures qui servirent d'entrées. Les tours pour les cloches, qui ne s'élevaient que jusqu'au bas de la couverture de l'église, furent pareillement achevées par ses soins et à ses frais... |
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HUMBAUD (que Lebeuf dit vénérable) |
(LIIè évêque de 6 mai 1087 à 20 octobre 1114) L'église d'Auxerre fut si inconsolable de la mort de Robert de Nevers, et la perte qu'elle
avait faite en sa personne fut jugée si difficile à réparer, que le siège épiscopal resta vacant pendant trois ans (Le
Gesta Pontificum ne dit que deux mots, en passant, sur les troubles qui se sont élevés à la mort de
Robert de Nevers et qui ont empêché l'élection de son successeur). Ce successeur fut Humbaud, noble auxerrois...
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Guillaume de TOUCY, frère de Hugues de Toucy, archevêque de Sens, fils de Girard de Narbonne, qui a été le premier surnom des barons de Toucy... |
(LVIè évêque du 2 juillet 1167 au 28 février 1181) ... Il partit pour Rome, à dessein de reconnaître pour pape Alexandre III ;
il fut le premier évêque de France qui fit cette démarche.
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Hugues de NOYERS, fils de Miles, seigneur de Noyers... |
(LVIIè évêque du 13 mars 1183 au 29 novembre 1206) ... On lui attribue plusieurs décorations faites au bâtiment, comme d'avoir agrandi les fenêtres du frontispice de l'église, pour la rendre plus claire, d'avoir élevé le pavé de l'église en faisant apporter des terres et d'avoir refait ce pavé tout à neuf... |
GUILLAUME DE SEIGNELAY (LVIIIè évêque d'Auxerre de mi février 1206 {quoiqu'en France
on ne comptât encore alors que 1206, parce que l'année n'y commençait qu'à Pâques, on comptait à Rome 1207 depuis le premier jour de janvier}
à 1220 {mort le 23 novembre 1223}) voyant que de tous côtés on rebâtissait les églises cathédrales, ménagea une somme d'argent pour rebâtir la sienne
qui menaçait ruine en quelques endroits dans le nouveau goût (gothique). Il fit commencer à détruire l'ancienne du côté de l'orient,
l'an 1215. On n'eut pas besoin de jeter de nouveaux fondements ; ceux qui avaient été assis sur le roc, sous l'épiscopat d'Hugues de Chalon,
environ deux cents ans auparavant, furent trouvés solide et excellents ; mais comme on jugea que l'espace de l'église souterraine, qui
se trouvait toute faite, pouvait servir à régler la largeur de celle qu'on allait élever au-dessus, on ne crut pas devoir prendre d'autres
dimensions, et on se contenta de l'élever beaucoup plus que n'avait été la précédente. C'est ce qui a été cause que l'édifice
parut un peu étroit, quant aux bas-côtés, lorsqu'il fut achevé. Toute l'église inférieure ayant donc été conservée en son
entier, quant aux piliers du dedans et aux cintres de la voûte, on vit avancer considérablement dans l'espace d'un an l'ouvrage de la nouvelle.
L'évêque y employa, pour cette première année, sept cents livres. Les années suivantes il donna souvent, par chaque semaine,
dix livres ou au moins cent sous... Moyennant les aumones et les offrandes des peuples, avec tout ce que purent produire les quêtes
faites dans son diocèse et dans les diocèses voisins, l'ouvrage continua d'avancer dans un goût qui fut trouvé d'une grande délicatesse.
Quelques évènements parurent tenir du miracle dans le temps de la démolition de l'ancien choeur. La tour méridionale, manquant de son
appui ordinaire, tomba sur celle qui était vers le septentrion, sans que personne fût écrasé, par les précautions qu'on avait prises,
et une demi-heure après cette dernière tomba d'elle-même sans autre accident. Pour preuve de miracle, aucune des cloches qui
étaient dans ces deux tours ne fut cassée, les deux jubés, qui étaient adossés à l'un des piliers angulaires de ces tours, ni les
autels qui étaient sous chacun, ni la croix placée sur le jubé septentrional, ne furent presque pas endommagés, non plus que
les châsses qui étaient sous l'autel de l'un de ces jubés. Plus d'un mois après on retrouva sous les ruines, au milieu du choeur
le volume qui contenait la règle d'Aix-la-Chapelle et le martyrologe, avec quelques livres graduels sains et entiers, quoique le
coffre qui les renfermait eût été brisé en pièces. Cette chute arriva, l'an 1217, le dimanche de devant le commencement des offices
de l'Avent, sur l'heure de midi [Le récit de cet évènement présente des détails intéressants. On y voit la situation des deux
tours de l'ancienne église ; elles étaient placées aux deux côtés du choeur et assez rapprochées, puisqu'elles étaient alors
étayées l'une contre l'autre. Leur chute avait été annoncée par des signes précurseurs. Les chanoines, célébrant l'office au-dessous,
effrayés du danger appelèrent le maître des oeuvres. Celui-ci, dont le nom a été malheureusement omis, garantit la solidité
des tours et reprit même un de ses ouvriers qui prédisait leur chute prochaine. Cependant, pressé de nouveau, il finit par déclarer
qu'il ne répondait de rien ; aussitôt le Chapitre quitta la cathédrale et se retira dans l'église Notre-Dame-de-la-Cité qui était voisine
(Perriquet, éditeur, 1848)]. Au reste, il n'y a rien d'absolument merveilleux, ni qui n'eût pu arriver sous un autre évêque,
si dès lors on eût affaibli le soutien de ces tours.
Le prélat fit d'autres dons à l'église de Saint-Etienne.
Et ces travaux durèrent jusqu'au milieu du XIVème siècle.
D'AYMERIC GUENAUD (LXXè évêque d'Auxerre du samedi des Quatre-Temps de l'Avent de l'an 1331
au 15 février 1338)
... Le commencement de son épiscopat ne fournit aucun acte important, il n'y paraît de remarquable que la consécration du grand autel de la
cathédrale, en 1334 ; encore ne l'apprend-on que par l'apostille d'un catalogue manuscrit des évêques d'Auxerre. Il consacra aussi, en 1338,
l'autel appelé de la Comtesse, au fond du sanctuaire. D'où il resulterait que, jusqu'à son temps, la chaire de pierre, placée
depuis au côté droit du sanctuaire, aurait été dans ce fond conformément à la bonne antiquité, et qu'on la déplaça alors pour construire
ce nouvel autel ; mais on est sûr, d'ailleurs, qu'il existait au XIIIè siècle un autel de la Comtesse. On a aussi lieu d'inférer
que vers le temps de son arrivée, il fit la dédicace de l'église ; au moins cette dédicace ne paraît marquée dans les calendriers du diocèse,
que depuis son épiscopat, sous lequel l'année 1335 est la seule où le neuvième juillet ait tombé un dimanche. Mais comme on dédiait les
églises les jours de férie aussi bien que les dimanches, rien n'empêche absolument de croire que l'église entière n'ait été dédiée, en 1334,
un samedi neuvième juillet [Malgré le silence des chroniqueurs sur les grands travaux de la construction de la cathédrale, après sa fondation
par Guillaume de Seignelay, l'oeuvre n'en avait pas moins avancé pendant les temps pacifiques du XIIIè siècle et du commencement du XIVè,
grâce aux sacrifices des évêques et du Chapitre, et aux aumônes abondantes des peuples. On avait élevé successivement le choeur tout entier, ce
chef d'oeuvre de l'art ogival, les parties basses du grand portail et surtout la porte de droite avec les piliers de l'entrée de la grande nef,
les transsepts intérieurs et probablement le portail sud, et enfin le soubassement des murs d'enceinte d'une grande partie des nefs
collatérales. Les traces de la cérémonie de dédicace se voient encore sur les deux piliers d'entrée de la nef et sur les quatre piliers des
transsepts. (Perriquet, éditeur, 1848)].
PHILIPPE DES ESSARTS (LXXXVè évêque du 22 février 1410 au 14 octobre 1426)
Pendant son épiscopat, l'édifice du portail de l'église cathédrale, du côté de l'évêché, fut commencé en 1415, et ensuite continué par les
libéralités de Jean de Molins, chantre et chanoine, et celles des fidèles.Quelqes-uns ont cru y apercevoir lescarmoiries de Philippe des Essarts,
qui sont trois croissants {on voit un écu chargé de trois écussons, mais il est impossible de le déchiffrer aujourd'hui [Perriquet, éditeur]}.
JEAN BAILLET (LXXXXè évêque du 15 mai 1478 au 10 novembre 1513)
... il contribua notablement pour achever le portail septentrional de la croisée de l'église, et pour avancer la tour méridionale du grand portail,
qui est restée imparfaite {les travaux de construction des tours du grand portail avaient commencé en l'an 1500. Le Chapitre s'était imposé du
sixième de son revenu pour faire avancer l'oeuvre... on lit sur la cage de l'escalier de la tour du nord, à des hauteurs différentes, les dates
de 1525, 1530 [Perriquet, éditeur].} On voit ses armoiries en l'un et l'autre endroit.
Il fut le premier qui rendit utile à l'église d'Auxerre la nouvelle invention de l'imprimerie ; il fit imprimer le Missel et le Bréviaireà l'usage
du diocèse.
Armoiries de Jean Baillet
Armoiries des Dinteville oncle & neveu
Armoiries des Lenoncourt
Armoiries de Jacques Amyot
Armoiries de François de Donadieu
Armoiries de Pierre de Broc
Armoiries des Colbert
JEAN-BAPTISTE-MARIE CHAMPION de CICE (Evêque du 14 des calendes de mars 1760 au 16 novembre 1805
"dans l'émigration", à Halbertadt, en Prusse, dans le couvent des Franciscains où il fut enterré).
Pendant les premières années de l'épiscopat de M. de Cicé, le Chapitre cathédral occupa l'activité de ses principaux membres à des choses plus utiles et plus
durables que les misérables querelles qui l'agitaient sous M. de Condorcet...
Dès 1744, frappé des difformités considérables que les constructions parasites causaient dans son église, le Chapitre avait fait abattre le grand jubé qui
coupait la vue du choeur, et l'avait remplacé par deux petits ambons placés de chaque côté des piliers d'angle. Le projet de décorer le sanctuaire de la
cathédrale dans le goût moderne, était depuis longtemps dans l'esprit des chanoines. M. de Cicé, consulté, y avait donné son approbation. Après de mûres
délibérations, on adopta un plan général de décorations fait par M. Ledoux, architecte. Tout en détruisant plusieurs monuments d'antiquité regrettables
[On vendit en 1776 les magnifiques tapisseries données par l'évêque Baillet, et que Louis XIV avait admirées. Elles ne servaient plus depuis les nouvelles
dispositions du choeur. Elles furent achetées par l'Hôtel-Dieu qui les possède encore], et notamment plusieurs tombeaux, nous devons louer le Chapitre de
la sobriété et de la simplicité qui présida aux travaux exécutés de 1767 à 1772. On éleva alors les belles grilles du choeur et des bas-côtés, le maître-autel
et l'autel des fériés qui est derrière. Les anges qui portent les candélabres du maître-autel furent l'objet de longs et vifs débats...
Les chapelles des transepts furent également restaurées...
Le Chapitre avait fait démolir aussi, en 1768, l'énorme statue de St Christophe qui s'élevait à l'entrée de la nef {voir par ailleurs}.
Tandis que le Chapitre faisait ainsi travailler dans sa cathédrale, l'église de Saint-Germain tombait en ruines !
Armoiries de Champion de Cicé
Voici à peu près l'ordre de construction de l'édifice :
le chur fut achevé à la fin du XIIIème siècle ; on jeta à cette époque les bases de la tour sud.
Le croisillon méridional du transept ainsi que la nef, sans les voûtes sont l'uvre du XIVème siècle ;
les bas-côtés ont été achevés vers 1350 ;
le croisillon septentrional du transept, la façade et les voûtes de la nef au-dessus du portail sont du XVème siècle ;
la tour nord ne vit son achèvement qu'en 1547 ;
la tour sud ne fut jamais achevée, faute de ressources ;
L'entrée des protestants dans la ville
(27 septembre 1567) vint tout arrêter. Les protestants multiplièrent les dépradations dans la cathédrale
à peine achevée.
L'épiscopat d'AMYOT se passe à relever les
ruines, et le XVIIème siècle porta ailleurs ses préoccupations.
Hélas, la révolution allait marquer
douloureusement son passage dans la cathédrale. En 1794, la cathédrale devient le Temple de la Raison. On
y célébrera des cérémonies sacrilèges. La tombe de Jacques AMYOT fut profanée. Les vitraux du XIIIème siècle
et le bas relief de St ETIENNE mourant échappèrent de justesse à la destruction.
En 1795, les catholiques reprirent leur église.
Mais l'accalmie n'était que de surface et, en 1797, la persécution reprit plus violente que jamais. La
cathédrale devint le Temple de la Fraternité (Fructidor, an VI).
Au XIVème siècle, la cathédrale subit diverses
transformations. On fit disparaître les peintures du siècle précédent. VIOLLET-LE-DUC restaura le déambulatoire
et la crypte. En 1927, les vitraux furent restaurés et remis autant que possible dans leur ordre chronologique.
Ils ont été mis à l'abrit au cours de la dernière guerre. Leur pose a été considérablement ralentie le
4 août 1947 par une grêle très violente qui a endommagé ceux qui étaient déjà remis en place. A la réfection
de ces dégâts les verriers ont travaillé plus d'une année (1948).
Le propos de ce site n'est pas l'histoire de la
cathédrale et il a fallu la limiter à l'essentiel. L'édifice est important et des ouvrages fort complets ont
été publiés. La cathédrale d'Auxerre est à la fois le monument le plus vénérable et le plus remarquable de
l'Auxerrois ; son histoire est l'Histoire même de l'Art Français, dont les différents styles, du XIème au
XVIème siècle, se superposent sans se heurter.
Les voûtes ont une hauteur de 34,65 m au transept,
33m au choeur et à la grande nef dont la largeur
est de 13 m ; les bas-côtés ont 6 m chacun, ce qui
fait 25 m pour la largeur totale de l'église sans
compter les chapelles. La longueur de la cathé-
drale à l'intérieur est de 100 m.
La presque totalité des faits historiques ci-dessus est tirée de l'Abbé LEBEUF dans ses
MEMOIRES concernant l'Histoire civile et ecclésiastique d'AUXERRE et de son ANCIEN DIOCESE
dans une réimpression de l'édition d'Auxerre-Paris -1848-1855-, de 1978.