Première partie

Chapitre deuxième

LIMINAIRE
Vous pouvez trouver sur cette page quelques explications sur la monnaie de l'époque Louis XIII - Louis XIV.

L'Evêque d'Auxerre et le Chapitre cathédral.

     L'Organiste. - De tous les instruments dont les effets s'harmonisent le mieux avec la musique religieuse, l'orgue occupe assurément le premier rang. Aucun autre ne saurait lui disputer la prééminence. Réunion de presque tous les instruments, qui composent un orchestre, l'orgue séduit l'oreille par la richesse de ses accords, la variété de ses modulations, qui se déroulent sous les voütes immenses des vastes édifices pour lesquels il semble avoir été spécialement créé. S'il accompagne le chant, les services qu'il rend ne sont pas moins grands. Il se marie si bien avec la voix du chanteur et lui apporte un concours si puissant que l'artiste, se sentant bien soutenu, peut développer tous ses moyens et donner pleinement la mesure de son talent.
     D'origine fort ancienne il n'apparaît pas cependant que la cathédrale en ait possédé un avant le XVIème siècle ; du moins les titres n'en font pas mention à cette époque.

     Le 31 mai 1529 est établi un procès-verbal de réquisition par Mr l'évêque d'Auxerre au Chapitre pour la pose d'un orgue qu'il a fait faire et qu'il veut placer contre le pilier où est l'image de St Sébastien. Le chapitre refusa.
     Dans cette chronologie historique il faut faire état d'un personnage qui n'a rien à voir avec les orgues, mais dont la tombe en précise l'emplacement :
"Louis BRIDE prit possession le 19 avril 1538 (de la cure de Mézilles (Yonne)), en vertu de permutation avec le précédent (curé), et mourut en 1539 au mois de décembre. Il fut inhumé sous le Portail de la Visitation qu'il avait fait faire : c'est celui où est aujourd'hui représenté la Résurrection proche les orgues."

...

     L'orgue contenait 14 jeux, et le buffet était travaillé avec une exquise délicatesse. Lors de la prise de la ville, les Huguenots s'emparèrent des tuyaux, mais n'endommagèrent pas le buffet, qui aurait pu recevoir de nouveaux jeux et servir comme par le passé.


     Il n'en fut pas ainsi.

AUXERRE ET SA CATHEDRALE AU XVIème SIECLE


... Le jour de Pâques, après midi, la cathédrale contenait à grand-peine la foule accourue. Tout le clergé de la ville, le gouverneur, les magistrats se pressaient au premier rang.
     A l'heure fixée, les chanoines faisaient leur entrée solennelle et se groupaient au bas de la nef, tout près du grand portail, à l'endroit où l'on voyait jadis, inscrit dans le dallage, un labyrinthe circulaire.
     Là, l'un d'eux, le dernier nommé, se présentait porteur d'une grosse balle que les anciens documents appellent "pila" ou "pilota" et la remettait au doyen ou, à son défaut, au membre le plus digne de la compagnie. Celui-ci mettait alors sur sa tête la poche de son aumusse, appuyait avec son bras gauche la pelote contre sa poitrine, tendait la main à droite à l'un de ses collègues, et bientôt le Chapitre entier formait cercle autour du labyrinthe et commençait la plus curieuse des danses. On chantait le Victimae Paschali laudes et l'orgue, installé à cette époque dans la première travée du bas-côté nord, accompagnait l'extraordinaire ronde, marquait le mouvement, entraînait tous les chanoines, les vieux aussi bien que les jeunes, dans un branle incontestablement pittoresque... le Chapitre continuait autour du doyen sa ronde innocente, entraîné qu'il était par les accents étourdissants de l'orgue tout proche et par la voix infatigable des chantres et des enfants d'aube.



Chanoine FOURREY



LA PRISE D'AUXERRE (1567)

AMYOT, LA LIGUE

     ... L'orgue qui comprenait 7000 tuyaux... devient la proie des soldats, qui détruisent ce qu'ils ne peuvent emporter.



LEBEUF

Histoire de la prise d'Auxerre



     Extrait d'une lettre de M. le procureur général à M. l'évêque d'Auxerre, François de Dinteville II du nom, au sujet de la cérémonie de la Pelote.


     Monseigneur, quand je vous trouvai à Saint-Saphorin, je n'eus le loisir de vous tenir le propos que le roy, étant à Lyon, pendant son diner, avoit tenu de la cérémonie qui se fait en votre église le jour de Pâques qu'on appelle la Pelote d'Aucerre, et ce en la présence de messieurs les cardinaux de Lorraine et du Bellay, M. de Soissons et autres. C'est qu'aprez avoir entendu en quoi consistoit ladite cérémonie, il dit qu'elle étoit bonne et louable, et qu'on ne la devait oster, ni abolir sans grande cause, mais s'il y avoit de l'abus ou

difformité, que l'on devoit oster ladite difformité, et observer ce que jusques-là avoit été honnêtement fait. Et autant en dit le roy des Festages d'Angers. Ce que j'ai récité à M. le premier président, et à M. Disques, rapporteur du procez, qui sera cause... que sans grand cause et considération on ne abolira ladite Pelote, mais plutot d'entériner requête qui fut faite d'envoyer ledit seigneur Disques et un commissaire de ladite cour voir ce qui en fera lorsqu'on fera ladite cérémonie, pour en faire procez-verbal et rapport à ladite cour.



Signé : Thibaud, procureur général

De Paris, le 5 may

(Tiré de l'original.)


...

     ... On s'étonne..., que la colossale statue de Saint Christophe, qui se dressait jadis dans la cathédrale, à l'entrée de la nef, ait été épargnée...
     Le saint -véritablement monstrueux- mesurait près de dix mètres. Il avait pour baton un tronc d'arbre, "garni de noeuds, de la grosseur d'une feuillette et d'une longueur de 32 pieds". Commencée en 1540 par le chanoine Jehan OLIVIER, curé de Champlemy, la statue fut continuée par les soins de son neveu, Jacques de BALLEUR, et achevée au temps de François II de DINTEVILLE dix ans plus tard.
     Cette statue vénérée des auxerrois, qui ne manquaient pas en outre de se prévaloir de ses proportions étonnantes, était célèbre dans toute la région et fit pendant plus de deux siècles l'admiration des nouveaux venus et des étrangers : "Il y a dans la cathédrale, écrit RETIF de La BRETONNE, un Saint Christophe qui a pour bâton un chêne qui a bien cinquante pieds de haut et qui ne lui vient qu'au menton !..."
     Mais certains s'indignaient de ces mêmes proportions, comme d'une offense à l'esthétique et au bon goût ; le culte superticieux, dont la statue était l'objet, inquiétait en outre quelques chanoines scrupuleux. Le comte de CAYLUS, neveu de l'évêque, avait voué au géant une haine mortelle : "Il faut, disait-il, que j'aime la paix autant que je l'aime pour n'avoir pas fait entrer la nuit ou de grand matin des ouvriers dans l'église pour abattre cette statue monstrueuse ! ". Saint Christophe, toutefois, survécut de quelques années à son détracteur.
     Mais, en 1768, il était condamné sans appel et malgré les protestations des habitants et de certains ecclésiastiques, des équipes d'ouvriers s'attelaient au colosse et parvenaient à le renverser. C'était le 28 avril.
     NOSTRADAMUS, dit-on, avait prédit l'événement. On trouve en tout cas, dans les Centuries, cet étrange quatrain :


84.
Vn grand d'Auxerre mourra bien misérable
Chassé de ceux qui sous luy ont esté ;
Serré de chaines après d'un rude cable,
En l'an que Mars, Venus et Sol mis en esté.



3ème ANNEE

JANVIER-FEVRIER 1932

LA CATHEDRALE

Bulletin Paroissial de Saint Etienne d'Auxerre
paraissant tous les deux mois
Abonnement ordinaire : SIX francs

ADY PER 118/1 pp 19 à 22

Nostradamus, Saint Christophe
et les chanoines de la Cathédrale
     Ainsi parla Nostradamus :
             Un grand d'Auxerre mourra bien misérable,
               Chassé de ceux qui sous lui ont été,
               Serré de chaînes, après d'un rude cable,
               En l'an que Mars, Vénus et Sol ont été 1

     Voilà, n'est-il pas vrai, une prophétie singulière, et qui me fait amèrement regretter mon ignorance en matière d'astronomie. Je vous indiquerai, en effet, sur le champ, lecteurs amis, l'année qui vit la conjonction de Mars, de Vénus et du soleil, et, l'histoire en mains, je chercherais avec vous quel grand d'Auxerre eut l'infortune d'être repoussé, martyrisé par les siens à cette date fatale...
     A dire vrai, pourtant, je ne crois guère aux prophéties de Nostradamus... Il m'importe donc assez peu que ce devin fameux ait vu juste ou se soit trompé dans le cas qui nous occupe... Et, de confiance, il me plaît d'admettre que l'année fixée pour la réalisation de la prédiction soit 1768... Cela m'arrange fort bien, car 1768 vit la chute lamentable (C'est son point de vue. NdA) d'un "grand d'Auxerre"... J'ignore s'il fut "serré de chaînes, après d'un rude cable", mais je sais qu'il fut vraiment "chassé de ceux qui sous lui ont été"... Ce "grand d'Auxerre" n'était autre que le gigantesque Saint Christophe qui se dressait autrefois à l'intérieur de la Cathédrale, près de la porte d'entrée, et qu'une décision du chapitre condamna à mort... Lorsque je dis de ce Saint Christophe qu'il était un "grand d'Auxerre", je n'exagère pas. Essayez d'imaginer quelles étaient les invraisemblables proportions de sa statue.
     "Elle avoit, dit un mémoire historique daté du 1er juillet 1768, 29 pieds de haut depuis la tête jusqu'aux pieds, quoiqu'elle fut penchée en devant, suivant l'attitude d'un homme qui porte un fardeau très pesant. La largeur du corps d'une épaule à l'autre étoit de 16 pieds. Chaque oeil avoit un pied de fente, d'un coin à l'autre, et neuf pouces d'ouverture du haut en bas. La bouche avoit 15 pouces et demi ; chaque bras 6 pieds 2 pouces, chaque main 3 pieds 2 pouces. Les jambes avoient 6 pieds de long ; la grosseur du mollet 6 pieds 2 pouces de circonférence. L'enfant Jésus étoit sur ses épaules, de façon que les jambes étoient passées autour du cou et les pieds portoient sur la poitrine ; c'est ce qu'on appelle vulgairement à califourchon. Il tenoit d'une main une boule, qui représentoit le monde. De la tête aux reins il avoit 10 pieds et demi. Chaque pied avoit 2 pieds 8 pouces de long et un pied de large. Le bâton que Saint Christophe portoit de la main droite étoit un tronc d'arbre garni de noeuds qui avoit environ 32 pieds de hauteur. Dessous les pieds et aux environs étoient sculptées des ondes remplies d'animaux aquatiques. Le piedestal, sur lequel le tout étoit posé, avoit 11 pieds de haut. L'intérieur étoit massif et garni de grosses pierres de taille. L'extérieur étoit aussi de pierres sculptées, excepté le bâton qui étoit de bois recouvert de plâtre. A côté de Saint Christophe étoit la figure d'un ermite prosterné ou à peu près. Au-dessous du colosse étoit représenté en bas-relief le martyre de Saint Christophe. On y voyait le Saint attaché à un poteau et des soldats qui lui lançoient des flèches".
     Si une semblable statue ne réalisait pas toutes les conditions requises pour constituer une oeuvre d'art, on conviendra du moins qu'elle n'était pas banale, et qu'elle ne pouvait manquer d'attirer les regards des fidèles à leur entrée dans la cathédrale...
     Attirer les regards, c'était le rôle essentiel de ce colosse. On connait en effet la dévotion fameuse à Saint Christophe et la conviction aujourd'hui encore assez répandue - Attention à la superstition ! notai-je en passant - que, si l'on regarde, le matin, l'image du glorieux Porte-Christ, on ne mourra point dans la journée.
          Glorieux Saint Christophe, le matin te voyant,
          Sans crainte d'aucun mal, on se couche en riant.
          Quand du grand Saint Christophe on a vu le portrait,
          Vois d'abord Saint Christophe et marche en sûreté !
          De la mort, ce jour-là, on ne craint point le trait.

     Autrefois Notre-Dame de Paris, avait une énorme statue du bon géant, et à Strasbourg on admirait un colosse d'une hauteur de 36 pieds ; lorsqu'on voulut l'enlever de la Cathédrale pour le transporter à l'hôpital de la ville, on dut, pour la sortie, lui couper les pieds et les mains. La même Cathédrale garde encore, dans une verrière du transept sud, une image étonnante du Saint. Celui-ci n'a pas moins de huit mètres de haut. C'est la plus grande figure sur vitrail que l'on connaisse.
     La Cathédrale d'Auxerre fut dotée de son Saint Christophe au XVIème siècle par un chanoine, le curé de Champlemi, nommé Jean Olivier. Ce digne homme ne vit d'ailleurs pas lui-même l'oeuvre achevée. Il mourut, laissant à son neveu Jacques le Bazilleur le soin d'achever sa pieuse entreprise.
     Je relève l'inscription qui fut gravée sur le socle de la statue :
          Maître Jean Olivier, natif de Bar-sur-Seine,
          Curé de Champlemi et de céans chanoine,
          L'an 1540, pour rendre à Dieu hommage,
          Du martyr Saint Christophe fit faire cette image ;
          Ung an après mourut, cy gist en sépulture.
          Vous qui par cy passez, voyant sa pourtraicture,
          Priez Dieu pour son âme et pour vous on priera,
          Car comme vous ferez, pour vous certes on fera
.
     Si j'en crois le mémoire historique où je trouve ces détails, les chanoines n'étaient guère ravis du travail des sculpteurs. "On trouve dans les registres du chapitre que cet ouvrage n'estoit pas entièrement fini le 28 avril 1551 ; que le chapitre étoit fort mécontent de la grossièreté de la sculpture et vouloit qu'on employât des sculpteurs plus habiles".
     Lebeuf, de son côté note ceci dans la "Prise d'Auxerre par les Huguenots" :
     La statue de ce Saint taillée dans le temps que les prétendus Réformez commençaient à crier contre le culte des images. Il auroit été à souhaiter, dans des temps si délicats, que l'idée de Jean Olivier chanoine qui fit commencer l'ouvrage eut été plus régulière ou au moins qu'il n'eut pas eu le dessein de la faire paroitre deux fois plus gros que celui de Notre-Dame de Paris. Edme Baleure, chanoine la fit achever après la mort de M. Olivier en conséquence des menaces que le chapitre lui fit de le détruire s'il le laissoit si longtemps imparfait ! Cet ouvrage, exposé à la vue de tous ceux qui entrent, n'a encore pu être goûté d'aucunes personnes éclairées. Au reste, il est bon qu'on sache que le chapitre empêcha soigneusement qu'on ne toucha au pilier".2
     Chose singulière, cette extraordinaire statue, qui, semble-t-il, eût dû plus qu'aucune autre exciter la fureur des Huguenots, lors des ravages de 1567, échappa au massacre général.
"Le dégât qui paroit fait à l'image de Notre Seigneur, représenté sur les épaules de Saint Christophe, est selon les apparences un effet du tonnerre et non de la main des Huguenots", a soin de nous faire remarquer l'abbé Lebeuf.2
     Saint Christophe cependant ne devait pas durer de longs siècles. De divers côtés on le critiquait. On trouvait qu'il nuisait à la beauté de la Cathédrale. L'auteur du mémoire déjà cité écrit : "Pinganial de la Force dans son Etat de la France, le grand dictionnaire géographique de la Martinière et autres, qui se sont copiés, disent à l'article d'Auxerre que l'église Cathédrale n'a rien d'extraordinaire, mais que le palais épiscopal est un des plus beaux qu'il y ait en France. C'est dans le fait tout le contraire. Le célèbre Cervandoni regardait cette église comme la plus belle et la plus régulière qu'il eut vue après Saint Pierre de Rome. M. le comte de Caylus, si connu pour la supériorité de ses talents, par son goût exquis pour les beaux arts, ce grand connoisseur disoit de même que cette église est l'une des plus belles du royaume par la délicatesse et la régularité de son architecture. Elle a 50 toises de long sur 30 de large, elle est bien proportionnée, bien éclairée et bien pavée.
     Feu M. de Caylus, notre responsable prélât pensoit comme son neveu, mais plus il admiroit la beauté de son église, plus il étoit peiné de voir un colosse qui en défiguroit l'entrée. Ceux qui ont vécu avec lui se souviennent lui avoir entendu dire plus d'une fois : Il faut que j'aime la paix autant que je l'aime pour n'avoir pas fait entrer ou la nuit ou de grand matin, des ouvriers dans l'église pour l'abattre"
.
     Ce que l'évêque n'osait pas faire, les chanoines de la cathédrale le firent le 28 avril 1768.
     Depuis 30 ans, continue l'auteur du mémoire, les chanoines de la cathédrale ont employé plus de cent mille livres aux décorations de leur église. Au mois d'avril dernier, ils faisoient démolir les murs qui masquoient le sanctuaire, et les deux portes collatérales, chargées de statues et bas reliefs en pierre, ouvrages postiches et sur-ajoutés à la noble simplicité de l'église, qui seront remplacées par de belles grilles de fer. Ces démolitions étoient presque achevées, les chanoines ont cru devoir profiter de l'occasion pour débarrasser l'église d'un colosse monstrueux, difforme et mutilé, qui la déshonoroit ; d'autant plus qu'il ne servoit qu'à amuser le peuple, qu'une vaine curiosité y attiroit, sans aucun sentiment de piété et de religion. C'est ainsi que la démolition du colosse fut conclue dans un chapitre assemblé, à la presque unanimité, sans aucune réclamation. On y employa sur-le-champ les ouvriers qui étoient dans l'église avec leurs échelles et leurs outils".
     Triste fin en vérité !...

Un grand d'Auxerre mourra bien misérable
avait dit Nostradamus...
     Je noterai, en terminant, que malgré les terribles chanoines du XVIIIème siècle, Saint Christophe a trouvé le moyen de demeurer auxerrois.
     Nous le reconnaissons dans l'un des huit compartiments de la claire-voie placée sous le concert céleste de la grande rosace.
     Mieux que cela ! Par une singulière ironie du sort, il se trouve que toute la série des statues qui peuplaient jadis les innombrables niches de la façade et de la tour une seule a échappé à la tourmente des siècles, c'est, au-dessus du portail de Notre-Dame, celle de notre glorieux Porte-Christ.

R. F.



1 Cent.4, num.84
2 Prise d'Auxerre p.136


 


Réplique de l'évêque Amyot contre le chapitre d'Auxerre, énumérative des travaux et
embellissements qu'il a faits dans la cathédrale, et de la fondation du collège d'Auxerre.
(Vers l'an 1589)
 

"Messire Jacques Amyot, evesque d'Aucerre, grand aulmosnier de France, deffendeur contre les chanoines et chapistre de l'esglise d'Aucerre, demandeurs selon le contenu en leur exploitz de F. Armant, sergent royal du bailliage d'Auxerre, du 25è juillet 1588, Dict pour deffenses qu'il a fait luy seul pour la décoration et réparation de l'esglise plus que n'ont fait troys ou quattre évesques avant luy, et plus que n'ont fait tous ceulx de chappistre quattre foys : et pour le monstrer dict en premier lieu que n'ayant trouvé que les murailles toutes nues il a fait refaire tout à neuf toutes les chaires du choeur, tant haultes que basses, qui sont en nombre plus de six-vingtz, d'ung cousté et d'aultre dudit choeur, qui sont les plus belles qui soyent en esglise cathédrale de ce royaulme

"Dict oultre qu'il a faict refaire la chaire cathédrale et épiscopalle, historier tout à l'entour des histoires qui appartiennent à l'office de l'évesque ; et davantage le banc qui à cousté droict de l'aultel pour seoir le prebtre et le diacre et soudiacre pendant que la grande messe se dit : qui luy revient à plus de sept mil livres t ;

"Dict qu'il a fait refaire l'autel, ayant faict venir des reliquaires exprès de Rome pour ce faire, et en ayant apporté d'autres de son abbaye de Saint Corneille de Compienne ; faict pollir et accoustrer à grandz fraiz la table d'autel qui est dessus de longueur de huict piedz et quattre poulces, et quattre piedz piedz de large, toute d'une pièce de marbre noir, les deux marches de devant l'autel l'une de pierre et l'aultre de boys ;

"Dict plus qu'il a faict faire les sept pilliers de bronze qui sont allentour dudict aultel, de belle et élégante façon, à scavoir troys de dchascun costé de l'aultel et le septiesme derrier l'aultel en façon de crosse, où repose le corps de Nostre-Seigneur, et la croix de dessus ; qui luy revient à deux mil cinq cens livres pour le moingtz ;

"Dict davantage qu'il a fait faire tout de neuf les orgues qui sont à costé gauche du choeur avec les venteaulx qui les ferment, peintz dedans et dehors ; qui luy reviennent à mil escus et plus ;

"Dict oultre qu'il a donné deux psaultiers, l'ung du cousté gauche, l'aultre du costé droit, en grosses lettres et grosses nottes de l'impression de Plantin, en à bien reliez et couvers avec lesà et fermans comme sont ordinairement es livres d'esglises ;

"Qu'il a donné une chapelle de toile d'or, consistant en troys grandes chappes, l'une pour le chantre et les deux aultres pour les deux escroistes, la chasuble pour le prestre officiant et les deux tunicques pour le diacre et soudiacre, paremens d'autel hault et bas avec l'hystoire du martire de sainct Estienne en broderie, le tout avec orfrais ; dont on fait l'office aux jours et festes solemnelles ;

"Oultre a donné une aultre chapelle de damas blanc, consistant en troys grandes chappes, chasuble et deux tuniques avec orfrai de velourz cramoisy figuré, et davantage le parement de l'aultel hault et bas et les rideaux quattre en

"Qu'il a donné deux chandeliers d'argent, haultz et de belle façon, pour servir à l'aultel aux festes ;

"Qu'il a donné deux encensoirs d'argent avec la nevette d'argent massif et de belle façon ;

"Qu'il a donné le benoistier avec son aspergès d'argent ;

"Qu'il a donné le pavillon de taffetas changeant pour apporter les sainctes huiles avec les vaisseaux pour les mettre au jour du Jeudi-Saint.

"Dict oultre qu'il a faict réimprimer les bréviaires à l'usage d'Auxerre, reduictz à la forme de celluy de Romme, ainsi qu'il est ordonné par le concille de Trente ; qu'il luy revient à plus de deux mil livres ;

"Dict plus qu'il a faict réparer les chapelle épiscopalle qui est dedans l'esglise, laquelle avoit est, toute déchirée par les Huguenotz, l'autel desmoly, les moulures de peirre de tailes toutes cassées, et les paintures toutes diffamées et le carreau emporté.

"Oultre et par-dessus tout le précédent qui appartient à la décoration de l'esglise pathérialle, et pour leur donner quelque institution tant en bonnes lettres qu'en philosophie et théologie, il a fait bastir ung collàge pour y loger des Jésuites, ainsy qu'il luy a esté accordé par leur général, où il y a ung corps de logis de vingt cinq toises de long et 32 pieds de haulteur à troysestages, celliers, glasses viz à viz, de mesme longueur : lequel collège, tant en achapt de la place qu'en bastiments tout de neuf et depuis le fondement, comme aussy en achapt de la maison continue et en rentes qu'il a acquises du roy sur le scel pour lesà, luy revient à jusques aujourd'huy ... 60,000 l. et plus. Et toutes lesquelles réparations, décorations et enrichissements ledit deffendeur en croit toute la ville d'Auxerre depuis le premier de la justice jusques au plus petit artisan ; et n'est point par jactance qu'il en ayt faict ce particulier récit ny par reproche, mays pour vous monstrer et fairre paroistre qu'il n'y a de justice. Au moyen de quoi il requerre d'en estre renvoyé absoubz avec despens.

Pièce non signée, écrite au commencement du 17ème siècle
Archives de la ville d'Auxerre, Case 4 R., paquet n° 139.

 


Mémoire pour dresser des répliques en l'instance pendante à
Paris, pardevant messieurs des Requêtes du Palais, aux défenses
de messire Jacques Amyot, évêque d'Auxerre
 

Ce mémoire contient plusieurs faits relatifs à l'histoire.
(Ann. 1593)
...
Au 7ème article où il dit qu'il a fait faire des orgues qui lui reviennent à 1000 écus : à celà peuvent répliquer lesdits demandeurs que ça été un bon religieux de N.Dame de l'Isle, de Troyes en Champagne, qui les a fait, et que lui n'en a fourni sinon le plomb et étain des tuyaux et le fust desdits orgues qui sont petites, et qu'en partie pour la peine dudit religieux, les-dits demandeurs l'ont reconnu tant en général qu'en particulier, et que le tout ne revient pas à plus de deux ou trois cent écus qui sont les mêmes deniers que ceux desdites chaires provenant de la susdite régale. ... 1

(Tiré d'une ancienne copie)

     L'arrêt de 1607, sur le collège d'Auxerre, se trouve imprimé dans les lois de la France par Jacques Corbin, 1613.

 


Apologie de Me Jacques Amyot, évêque d'Auxerre contre ses ennemis demeurants en
ladite ville, écrite de sa propre main, et tirée de l'original
(Ann. 1589)
...
 



Quant à ce qu'il dit que l'évêque avoit en horreur messieurs de Guyse et du Maine, c'est une diabolique supposition, car il est certain au veu et au sceu de toute la ville que lorsque feu monsieur de Guyse fut en la ville d'Aucerre, durant la grande armée des Reistres, l'évêque fut tous les jours soir et matin au logis dudit seigneur, le fit recevoir en son église à haute messe, les grosses cloches sonnans et les orgues jouants, comme si c'eut été le jour d'une fête solonnelle, luy fit présent d'un muid de vin qu'il trouva le meilleur qu'il eut beu en toute la ville, luy fit cet honneur de visiter son collège, et alla par toutes les chambres hautes et basses, disant qu'il était plus beau que le sien de la ville d'Eu. ...

 



                         1 La régale est l'administration spirituelle et temporelle du diocèse pendant la vacance du siège.




TRAVAUX DE DECORATION
EXECUTES DANS LA CATHEDRALE D'AUXERRE PENDANT LE XVIIIè SIECLE
1639
 



     En face de la statue de Saint Christophe, et suspendu à la première arcade du côté gauche de la nef se voyait encore le buffet de l'orgue que François 1er de DINTEVILLE y avait fait construire, du consentement du Chapitre, en 1529.


     Les tuyaux en avaient été enlevés par les protestants, et il ne restait plus que ce buffet, oeuvre de menuiserie très délicate, mais tombant de vétusté. Les nouvelles orgues avaient été établies par Jacques AMYOT, sous la première arcade de gauche en entrant dans le choeur.
     Enfin, au milieu de l'arcature de la chapelle de Saint Georges, en regard sur le transept se voyait encore le cadran d'une ancienne horloge dont le mouvement avait été gravement endommagé par les protestants. Aucune réparation n'y ayant été faite depuis, cette horloge était devenue hors d'usage, et sa vue n'évoquait plus que de pénibles souvenirs et d'inutiles regrets.

Charles DEMAY

 


Louis M A R C H A N D 1669-1732
 



     Un Lyonnais dont l'oeuvre était admirée de RAMEAU qui le tenait pour incomparable dans le maniement de la fugue, et de BACH qui lui fit même quelques emprunts, après avoir sacrifié au goût du temps, quitte résolument les sentiers battus et tend vers l'écriture en trio, où il acquiert une réelle maîtrise. Il sait penser et écrire avec du métier et même de la grandeur et du panache. Parmi ses élèves, il faut citer :


Gaspar CORETTE
auteur d'une Messe du VIIIème ton aux motifs très riches ;

GUILAIN
à qui l'on doit des Suites (1706), où l'on retrouve par endroits des thèmes de MARCHAND, et surtout

Pierre du MAGE
organiste à St Quentin...
     Avec ces organistes s'achève la carrière de l'orgue religieux. Avec les suivants débute celle, incomparablement moins noble et moins glorieuse , de l'orgue de concert.

 


POURQUOI CITER Louis MARCHAND DANS CE CHAPITRE ?
 



     Simplement parce qu'une polémique existe entre le fait que MARCHAND soit venu (pendant une année !), à Auxerre ; ou pas du tout... (son emploi du temps à Paris, à la même époque venant contredire la première affirmation).
     Une correspondance adressée à l'auteur d'un ouvrage contemporain, par l'intermédiaire de sa société d'édition, et qui affirmait la venue de MARCHAND à Auxerre, est restée sans réponse. J'en extrais ceci :
     ... Personnellement, mes recherches aux Archives départementales ne m'ont pas convaincu qu'il soit réellement venu (son emploi du temps à Paris chevauchant les dates supposées de son activité auxerroise)...
     Je suppose que cet auteur a pris ses informations dans une encyclopédie de la musique. Aucune des histoires de la musique, aucune biographie de musicien, aucune bibliographie, ni registres ou liasses de documents des Archives départementales ou de la Bibliothèque municipale que j'ai pu consulter n'apportent d'éléments de réponse !

 

ADY, G 1841
...
1696
 



     Le s(d)ixième jour du juin dudit an ledit Damy a donné un escu sol à Michel Denesvre organiste pour avoir touché les orgues...

     On trouvera sur une page de cet ouvrage la liste des organistes avec quelques dates lorsqu'elles sont connues

 



Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles
de l'Yonne. Année 1947 à 1952. 95ème volume.

Procès-verbal de la séance du 6 juillet 1947 tenue sous la
présidence de M. Léon Noël, président.
 


...
     b) L'orgue d'Auxerre. Dans les minutes notariales de Me GUIMARD (dossier 235, pièce 124) se trouve un contrat passé en 1697 entre MM du Chapitre cathédrale d'Auxerre et Pierre LEFEBURE, facteur d'orgues, à Paris, rue Aubry-le-Boucher, pour la restauration de l'orgue de la cathédrale qui contenait 2 claviers de chacun 8 jeux. Il s'agit d'un relevage avec réparation de la mécanique, pose d'une Voix Humaine neuve, de deux rangs de plus au Cornet et au Plein-Jeu, de deux tremblants et, surtout, adjonction de dix notes à chaque jeu, les claviers de 38 notes devant être de 48. Le buffet pourra être fait "à tourelles". En plus des 700 livres d'honoraires, le facteur touchera 2 "fillettes" de vin "des dixmes". Cet orgue était alors au choeur, à gauche.

 

ADY, G 1841
...
1699
 



     Ledit jour (?) donné par commandement     deux (escus) à Me Mathieu Floret... chanoine semiprébandé en ladite église pour ses peines d'avoir accommodé les orgues de ladite église d'Auxerre... par...

 



TRAVAUX EXECUTES DE 1767 A 1774
 



     ...Il était passé le temps où le Chapitre pouvait, à son gré et selon ses caprices, faire dans l'édifice des travaux quelle qu'en fut l'importance. Cet arrêté la compagnie l'obtint le 23 août 1763, et le 24 septembre suivant, le Grand Maîtres des eaux et forêts de France rendit une ordonnance
"à l'effet de procéder par Claude Charles LEDOUX, architecte
"à Paris, à la visite, reconnaissance, devis estimatif et dessins
"des ouvrages à faire pour la construction de deux chapelles
"latérales dans la croisée de l'église cathédrale ; la pose de
"deux grilles des bas-côtés ; la construction d'un nouveau maître
"autel en marbre, avec son marchepied, gradin et tabernacle ;
"celui des Féries par derrière, aussi de marbre, ainsi que la
"figure de St Etienne ; le pavé du sanctuaire ; les grilles au
"pourtour ; le banc des célébrants, et la restauration de l'or-
"gue".


     ... Quant à l'orgue, dont la tribune était placée sous la première arcade de la partie gauche du choeur, on se bornerait à y faire des réparations importantes jusqu'à concurrence d'une somme de 3.000 livres ; différant à une époque ultérieure la construction d'une nouvelle tribune, qui recevrait un jeu d'orgue plus complet. Tous ces travaux étaient estimés s'élever... à la somme de... 3.000 livres pour l'orgue.

 
 
ANNEES 1767 ET 1768

     ... Le lendemain autre Chapitre où l'on approuve la traité passé par M. MIGNOT chanoine, avec un facteur pour la réparation de l'orgue, moyennant 3.200 livres. Ces réparations étaient très avancées quand le facteur fit observer à la Compagnie que par suite de l'adjonction de nouveaux jeux le son de l'instrument deviendrait beaucoup plus fort et incommoderait peut-être le choeur, et qu'il fallait se résoudre à le déplacer. Après avoir minutieusement cherché dans l'église une place propre à le recevoir, les chanoines finirent par conclure
"que vu le manque de fonds qui ne permet pas de placer l'or-
"gue à sa véritable place au-dessus de la porte principale de leur
"église, il sera dès à présent placé dans la croisée (transept) du
"côté du midi, au-dessus de la chapelle St Georges, à l'endroit où
"est actuellement un ancien horloge"
(Concl. du 21 décembre 1767).
     Ce déplacement était évalué représenter une dépense de 4 à 500 l. La translation fut rapidement exécutée. Mais ce dont on aurait pu se douter, c'est que du fait de son éloignement les sons de l'orgue devaient perdre de leur ampleur, ce qui força d'augmenter certains jeux (concl. du 5 février 1768). Quand tout fut terminé, il fut arrêté, par conclusion du 15 février que le buffet serait mis en couleur à la détrempe avec un vernis par-dessus.

 




 

François CALINET Père

donne

François CALINET Fils
 

Si un jour j'en ai les moyens, je paierai les droits de publication des photos d'archives


 

en apprentissage

à

Adrien Picard LEPINE
 


PROCES VERBAL DE RECEPTION DES TRAVAUX DE DECORATION FAITS
DANS LE CHOEUR ET LE SANCTUAIRE DE L'EGLISE CATHEDRALE
D'AUXERRE
1774
 



     L'an 1774, le 31 octobre, en vertu de l'ordonnance de Messire LOUIS, François DUVAUCEL, chevalier conseiller du Roy, Grand Maître général des eaux et forests du département de Paris et Isle de France, en date du 18 août dernier, par laquelle il est dit :

"que par François BURON, architecte à Paris, il sera, parties
"présentes, ou elles bien et duement appelées, procédé à la recon-
"naissance et réception des ouvrages faits à la charge du Chapitre
"d'Auxerre, pour son procès-verbal déposé au greffe de la Maîtrise
"des eaux et forests d'Auxerre, être, sur l'expédition, qui en se-
"ra rapportée, et vu ensemble des conclusions du procureur du Roy
"de ladite ordonnance étant en bas de la requête à lui adressée
"par le sieur DHUMIER, ci-après nommé.

"Nous, architecte susdit et soussigné, nous sommes transpor-
"tés à l'église cathédrale d'Auxerre, où étant, sont comparus M.
"le grand archidiacre, et plusieurs autres chanoines dudit Chapi-
"tre, lesquels ont promis de nous accompagner en notre visite,
"pour nous faire tels dires et observations qu'ils aviseront, et
"nous ont remis copie du devis fait par le sieur LEDOUX architec-
"te, le 12 mai 1765, ensemble le cahier des charges de ladite ad-
"judication, desquels il résulte que le sieur Pierre DHUMIER, en-
"trepreneur des bâtiments du Roy, à Paris, s'est rendu adjudica-
"taire desdits ouvrages par devant Messieurs de la Maîtrise parti-
"culière d'Auxerre, le 23 juin 1767, moyennant 66,100 livres. ...

"A été fait le transport du buffet d'orgue, et les rétablis-
"sements nécessaires pour le mettre en état. ...

"Lesquels susdits ouvrages nous ayant paru bien et solidement
"faits, nous en faisons pleine et entière réception, et estimons
"que le susdit adjudicataire doit être payé du prix de son adjudi-
cation et des augmentations.

     "Fait et arrêté à Auxerre par nous, architecte juré, expert
"des bâtiments à Paris, pour servir et valoir ce que de raison"
.

                                          Signé                      Buron.



 

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